Les vertus du langage

AttentionLes forces du langage

  • Au chapitre des forces du langage, nous pouvons retenir d'abord que celui-ci est avant tout création. Ainsi par la magie des mots, le langage rend présent ce qui est absent, rapproche des réalités qui sont en vérité très distantes. Les conceptions métaphysiques et religieuses soutiennent qu'au commencement du monde, c'est par la puissance du langage que Dieu crée. Nous disons alors que celui qui parle crée. C'est pour cela qu'il s'agisse du professeur qui parle à ses élèves, de l'homme politique qui parle des routes, des ponts à réaliser ou de l'homme de Dieu qui parle de l'enfer ou du paradis, par les mots tous ces hommes transportent leurs interlocuteurs au cœur même de ces réalités absentes.

  • Ensuite, le langage ne se contente pas seulement d'exprimer la pensée, il est même au cœur du processus d'élaboration de la pensée. C'est dire que la pensée avant d'être exprimée par le langage, fut d'abord dialogue intérieur, langage intérieur. Platon (428-348 av. J.-C.) parle de : « dialogue intérieur et silencieux de l'âme avec elle-même ». Plus précisément la langue est ce par quoi la pensée individuelle s'élabore et permet la pérennité de l'identité collective. Cette pensée est non seulement la marque de l'humanité, ce qui définit l'homme et le distingue des autres êtres vivants. Elle est aussi et surtout celle qui éclaire nos actions et les lie à des fins. Ainsi, pouvons-nous conclure que le langage est par essence pensée.

  • De plus, le langage peut être considéré comme une action. Par la parole ou le geste, le langage suggère, commande, instruit, décide. Le titre de l'ouvrage de Austin (1911-1960)," Quand dire, c'est faire[1]"  illustrent les arrêts de justice à la suite desquels, on met en prison, on pend, on fusille ou on libère, on blanchit, on affranchit.

  • Enfin, le langage au travers du discours est performatif. En effet, les mots contenus dans le discours peuvent marquer profondément les esprits, créer un déclic psychologique, modifier notre échelle de valeur. On a l'exemple de l'officier de l’État civil, qui déposant sa main sur celles des candidats au mariage en prononçant cette formule : « au nom de la loi, je vous déclare unis par les liens du mariage » rend effectif ce qu'il célèbre. Après cette formule, les mariés, les témoins et les observateurs sont convaincus qu'un lien est scellé. Par cet acte le couple connaît désormais un nouveau statut.

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AttentionLes faiblesses du langage

Quand nous parlons de la faiblesse du langage, nous pensons à son incapacité à traduire comme il le prétend, la pensée et la réalité dans toutes leurs richesses. Pour Henri Bergson, le langage simplifie et appauvrit le monde. Ainsi affirme-t-il  : « le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu'il y a de stable, de commun et par conséquent d'impersonnel dans les impressions de l'humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle. »[2]

Le langage trahit le vécu, la réalité et la pensée. En effet, de par la généralité des mots ou des concepts, leur polysémie, leur stabilité ou immobilisme, le langage peine à traduire fidèlement des réalités mouvantes et ondoyantes telles que nos états de conscience. La constance des incompréhensions dans les relations interpersonnelles qui débouchent souvent sur des conflits latents ou ouverts est révélatrice de cet état de fait.

Aussi, les paralangages viennent à la rescousse du langage. C'est ainsi que les gestes, les mimiques, le regard, la démarche qui viennent suppléer le langage, et semblent plus expressifs que le langage sont malheureusement limités dans le temps et dans l'espace ; autrement dit leurs significations varient en fonction des espaces culturels et des époques.

Pire les illusions du langage liées à la magie des mots conduisent les récepteurs à la schizophrénie, à un télescopage entre leur monde artificiel et le monde réel. Nous sommes en mesure de conclure que le langage est l'expression de la misère humaine : les cris qui sont les formes primitives du langage sont comme l'expression de la détresse de notre nature dans une nature en détresse.