Cours de Philosophie/Terminale A : L'Art

L'Art est-il le fruit du génie ou le produit du travail ?

Fondamental

L'art est l'expression de l'intelligence, c'est-à-dire le fruit du génie. Selon Platon, le poète crée par don divin et c'est l'inspiration qui anime l'artiste. Le génie, source de l'inspiration, désigne ce talent particulier qui permet de faire émerger la beauté et l'énigme aussi qui entoure la genèse d'une œuvre exceptionnelle. En effet, le génie créateur dépasse le savoir-faire qui renvoie à l'habileté et à la dextérité.

Selon Kant, tandis que l'approche platonicienne de l'inspiration fait du génie un être qui détient le pouvoir de créer, d'autres par contre n'ont que le talent de refaire ce qui a déjà été fait. Cela ne signifie pas que le génie refuse toute règle. Il est l'auteur de ses propres règles qu'il forge et qu'il exploite. Comme l'exprime Emmanuel Kant : « Le génie, c'est celui qui donne ses règles à l'art ». Le génie échappe à toute description rationnelle car il apporte à l'art des règles qui n'existaient pas avant lui. L'ensemble des règles inventées par le génie n'apparaissent pas toujours clairement à sa propre conscience. C'est pourquoi, on dit que le génie invente un nouveau style. Par exemple, Pablo Picasso va inventer un nouveau style pictural : le cubisme[1]. Il faut donc considérer que la supériorité du génie demeure son originalité. À la différence d'autres objets dont l'idéal est la correspondance à un type, l'œuvre d'art se définit par son originalité, c'est-à-dire le fait d'être un modèle, de constituer elle-même un type auquel d'autres pourront se référer. Ainsi, l'œuvre originale est unique. Elle peut servir de modèle à ceux qui la suivent et l'imitent. C'est pourquoi, ceux qui imitent les artistes ou qui reproduisent les œuvres d'art, ont du talent mais pas du génie. La notion d'originalité rencontre ici celle d'authenticité. Mais la recherche de l'authenticité dans la production artistique n'implique-t-elle pas du travail ? Outre le talent et la créativité, l'endurance au travail ne participe-t-elle pas du mystère du génie dans la production des œuvres d'art ?

Jacques Brelle (1929-1978) disait : « Le talent, c'est le travail plus l'envie » Autrement dit, le talent renvoie avant tout à l'habileté et à la détermination dans l'exercice. En effet, s'il y a un point commun entre la guitare, le pinceau et la scie-sauteuse, c'est qu'il faut apprendre à s'en servir. Le point commun entre les outils de l'artiste et les outils de l'artisan supposent un ensemble de règles qu'il faut non seulement mémoriser mais aussi interpréter. C'est le travail qui crée l'œuvre. Comme le fait remarquer Nietzsche : « Le génie ne fait rien que d'apprendre d'abord à poser des pierres, ensuite à bâtir, que de chercher toujours des matériaux et de travailler toujours à y mettre la forme. » On l'aura compris, le génie est une longue patience qui représente un long travail. Nietzsche dénonce le mythe autour du génie et nous invite à penser de nouveau la création artistique en termes de travail. Le travail de création demande avant tout du temps. Il ne s'agit pas ici du temps passé à une table de travail. Le temps, c'est aussi la constitution progressive de l'individualité, la vie même. La création artistique est avant tout un engagement de la personnalité. Il est donc difficile de mettre le travail en berne dans la création artistique. Le génie nécessite un travail d'apprentissage des techniques en rapport avec les œuvres d'art. C'est ce qui justifie la présence des écoles artistiques. Nous pensons donc que l'art est de nos jours à la fois le fruit du génie et le produit du travail.

  1. Cubisme

    École de peinture, florissante de 1910 à 1930, qui se proposait de représenter les objets décomposés en éléments géométriques simples (rappelant le cube) sans restituer leur perspective. Le cubisme est surtout connu par les toiles de Picasso, de Braque, de Juan Gris.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)