La conscience comme capacité de découverte de soi et du monde extérieur
Fondamental : les caractères de la conscience
L'intentionnalité : Edmund Husserl (1854-1938) dans Les méditations métaphysiques affirme que « toute conscience est conscience de quelque chose ». Cela veut dire que la conscience vise toujours quelque chose d'autre qu'elle-même. Chacune de nos pensées vise toujours quelque chose. Notre conscience n'est jamais enfermée sur elle-même, elle est en mouvement vers...C'est une ouverture au monde extérieur. Lorsqu'en circulation j'aperçois un obstacle en face, cette perception n'est pas un étonnement intérieur mais un acte de ma conscience qui appréhende, qui vise l'obstacle extérieur. Jean-Paul Sartre (1905-1980) note aussi que la conscience est ouverture car «un autre moi est indispensable à l'existence de ma conscience comme conscience de soi ». C'est souligner que nous ne prenons conscience de nous-même, de notre particularité, de notre singularité que dans la rencontre avec l'autre. La conscience n'est donc pas une coquille fermée sur elle-même.
La sélection : l'habitude nous accompagne beaucoup plus souvent dans notre existence. Ainsi accomplissons-nous certaines tâches sans y réfléchir, à proprement parler par habitude : ouvrir une porte, marcher en équilibre exercer sans réfléchir. C'est lorsque l'automatisme de l'habitude montre ses limites face à un problème que la conscience s'illustre. C'est dire qu'il faut d'une part la présence d'un problème vital qui nécessite une réaction d'adaptation et d'autre part une difficulté particulière qui exige un choix. Elle se manifeste lorsque l'habitude est rompue et la situation est périlleuse. Notre conscience reste liée au présent, au réel, à l'action en s'inspirant de notre réservoir de souvenirs uniquement ceux indispensables à l'accomplissement de notre tâche actuelle. Henri Bergson (1859-1941) stipule que « toute conscience signifie choix », cela pour dire qu'elle est toujours sélective. On peut se résumer à dire que la fonction première de notre conscience est l'adaptation de notre organisme au réel.
La synthèse : la conscience ne se contente pas de choisir de faire la sélection des éléments nécessaires à l'action ; Notre rapport au monde extérieur, aux objets, à la matière n'est-il pas un travail de l'esprit ? Elle les organise par une activité de synthèse. On peut retenir :
– une synthèse temporelle par laquelle la conscience qui n'est pas figée dans le temps présent unifie le passé au présent en tendant vers l'avenir. Bergson dira alors qu'elle est un pont jeté entre le passé et l'avenir.
– une synthèse perceptive par laquelle la conscience rassemble organise les données de la conscience. Ainsi un bébé ou un animal, doté de cinq sens mais privé d'esprit ne peut percevoir les objets.
– une synthèse personnelle par laquelle la conscience unifie tous ses états en les rapportant au « moi ». C'est grâce à une telle synthèse que l'identité personnelle est saisie malgré les changements qui affectent le corps et même le psychisme.
Fondamental : Place de la conscience dans la condition humaine
La conscience est la faculté qui donne du sens à l'existence, ce par quoi toute chose existe et prend un sens. Grâce à la conscience, l'homme se reconnaît comme un être vivant, découvre qu'il est unique et singulier. Elle est fondamentalement ce par quoi l'homme est tenu de se penser, de penser le monde, de s'interroger. Elle ouvre entre elle et le monde, un espace de dialogue permanent et un espace de questionnement. On comprend par-là que la conscience est une activité nécessaire à la vie. Elle cultive en nous une responsabilité. Ainsi sommes-nous obligés dans nos actions de faire attention c'est-à-dire prendre conscience de tout, de nous adapter en face d'un problème, de réfléchir avant d'agir, de prendre des décisions clairvoyantes, raisonnables et sans remords pour que tout ce que nous faisons et disons témoigne de notre condition humaine. L'homme conscient, c'est celui qui se sent responsable, qui assume ses actions. Descartes (1596-1650) souligne à cet effet qu' « on ne pourrait arracher la conscience du cœur de l'homme car le faire, il n'aurait plus d'homme en nous mais une chose, un objet ou un simple animal ». Blaise Pascal (1623-1662) aussi renchérit qu' « on ne peut concevoir l'homme sans pensée, ce serait une pierre ou une brute ». Puisque la conscience fait la grandeur de l'homme, Blaise Pascal ajoute que « l'homme n'est qu'un roseau le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant ». Jean Jacques Rousseau (1712-1778) n'en dit pas moins quand il écrit dans Émile ou de l'éducation : « Conscience! Conscience! Instinct divin, immortel et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rend l'homme semblable à Dieu...»
Fondamental : Les limites ou illusions de la conscience
La connaissance que l'homme croit avoir de lui-même à travers l'introspection n'est pas toujours fiable. En s'observant, l'homme peut se tromper sur la signification qu'il donne à ses sentiments, à la valeur de ses actes dans la mesure où il n'est pas un observateur impartial. C'est en ce sens qu'Aristote( 384-322 av. J.-C.), dans Éthique à Eudème affirme : « (...) nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes». C'est dire que l'homme ne peut pas pleinement se connaître lui-même par l'observation directe. Ainsi, la connaissance qu'il croit avoir de lui-même est illusoire. Certes la connaissance de soi permet à l'homme de prendre conscience de son être mais elle ne lui révèle pas ce qu'il est pleinement. Dans son œuvre Critique de la raison pure, Emmanuel Kant (1724-1804) confirme cette idée en ces termes : « je n'ai donc aucune connaissance de moi tel que je suis mais je me connais seulement tel que je m'apparais à moi-même. La connaissance de soi n'est donc pas encore une connaissance de soi-même ».
La critique de Leibniz
Leibniz (1646-1716) dénonce la prétendue puissance de la conscience, parce que cette faculté n'arrive pas à connaître la totalité des vécus de l'homme ; Elle ne permet pas à l'homme de percevoir intimement les petites perceptions et pour cause soit elles sont trop petites, soit elles sont en grand nombre, soit elles sont trop unies au point où elles ne peuvent être ressenties. En entendant le bruit de la mer, l'homme ne distingue pas le bruit de chaque vague et c'est la somme des bruits des vagues qui constituent ce bruit de la mer. C'est pourquoi dans Les nouveaux essais sur l'entendement humain, il écrit : « il y a en nous à tout moment une infinité de petites perceptions que nous n'apercevons pas consciencieusement ». C'est le signe que plusieurs perceptions ne sont pas saisies par la conscience. Cela témoigne bien des limites de la conscience.
La critique de Nietzsche
Pour sa part, Nietzsche (1844-1900) constate qu'il y a une surestimation du rôle de la conscience. Pour lui, c'est en réalité le corps qui assume la plupart des processus vitaux et cela sans l'intervention de la conscience. D'ailleurs, cette faculté ne se développe que tardivement dans l'évolution de l'individu. Elle répond à un simple besoin de communication sociale et ne représente qu'une partie négligeable, superficielle et inutile de la vie. Aussi écrit-il « en survalorisant la conscience, l'animal humain se leurre lui-même ». Cela nous permet de dire que « la conscience, c'est ce qu'il y a de moins accomplie et de plus fragile dans le monde fragile, dans le monde organique » L'homme se trompe lui-même, lorsqu'il présente la conscience comme lumière, le guide de ses actions. En somme, la conscience est une faculté superficielle et superflue.
La critique de Karl Marx
Karl Marx (1818-1883) trouve que c'est en dehors de la conscience qu'on trouve ce que détermine l'homme. Matérialiste, il se convainc que « ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience ». Il signifie par-là que notre conception des choses dépend de notre condition d'existence sociale. C'est la société, le milieu de vie qui façonne notre conscience. Par l'éducation et les réalités socio- culturelles qui nous influencent, on en conclut que la société vit en nous. C'est ce qui permet de dire qu' « on pense autrement dans un palais que dans une chaumière ».
La critique freudienne
Sigmund Freud est assez critique de la supposée suprématie de la conscience. Il pense au contraire qu'elle est inapte à expliquer certaines actions du sujet. Et cet état des choses concourt à renforcer l'hypothèse de l'inconscient psychique qui permettra de saisir ce qui échappe à la conscience. Il écrit dans Métapsychologie « l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ». Cette pensée signifie que postuler l'existence de l'inconscient est indispensable en raison des nombreuses défaillances de la conscience. Dès lors, devons-nous appréhender l'inconscient comme une déterminante de l'homme ?