La pensée de la mort
Fondamental :
La mort est ce dont nous n'avons chacun, individuellement, aucune expérience, car la mort signifie la fin de toute expérience possible. La mort est une réalité irreprésentable. Nous ne pouvons pas penser la mort en tant que telle. Elle est l'horizon de notre vie, mais nous ne pouvons rien en savoir, car nous ne pouvons ni la sentir, ni la penser. La mort est une expérience interdite, en ce sens que lorsqu'elle est là, nous ne sommes plus là. Ainsi donc personne ne peut pas vivre sa mort, savoir ce que c'est de mourir et d'être mort. Il n'y a pas d'expérience de la mort. Comme l'écrit Wittgenstein (1889-1951) : « la mort n'est pas un événement de la vie. La mort ne peut être vécue.» Notre propre mort est un événement auquel nous n'assisterons pas. En effet, toute mort est annoncée par celle d'autrui. C'est pourquoi Pascal (1623-1662) disait : « qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jours égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance attendent à leur tour. » Assister à la mort d'autrui est certes une expérience, et des plus douloureuses, mais ce n'est pas encore faire l'expérience de la mort, qui ne peut être que celle de sa propre mort. La mort d'autrui est un scandale qui nous fait réfléchir sur la perte d'un être irremplaçable et unique. Cette prise de conscience de la mort par celle d'autrui est une expérience indirecte très peu concluante sur la réalité de la mort pour soi. Nul ne sait ce qu'est la mort. Selon Jankélévitch (1903-1985), la mort est une tragédie métempirique, c'est-à-dire un mystère que la raison humaine ne peut comprendre. C'est pourquoi la réflexion sur mort se fait sous forme d'image, de mythe, d'allégorie et de métaphore dans les sociétés à travers la religion, les rites et les coutumes.
Le suicide qui est un meurtre commis sur sa propre personne, pourrait être considéré comme une expérience directe de la mort. Mais, malheureusement, après l'expérience son auteur n'est plus là pour tirer les conclusions nécessaires. Le suicide laisse l'entourage de la victime sous le choc et des interrogations sans réponses. D'où la réprobation et la condamnation du suicide par la société. Elle juge le suicide comme un acte de lâcheté. Celui qui se suicide fuit les réalités de la vie au lieu de les affronter avec courage. Toutefois, cette appréciation est exacte mais elle n'est pas juste. Il est exact de dire que ce sont les difficultés de la vie qui ont contraint l'individu au suicide, mais il n'est pas juste de le traiter de lâche. En effet, il n'y a pas quelqu'un de plus courageux que la personne qui se suicide. Il n'est pas donner à tout le monde d'affronter la mort de façon résolue et ferme. Se suicider n'est pas une mince affaire. On ne se suicide pas à tambour battant ou sur l'ordre et les conseils de quelqu'un. Selon Camus, le suicide se prépare en silence dans le cœur comme un grand projet. Pour les stoïciens, le suicide est l'expression absolue de la liberté. Personne, « ni maître, ni Dieu » ne peut me contraindre à vivre ce que je ne veux pas vivre. La preuve en est qu'il n'y a aucune poursuite judiciaire contre le suicide. La mort est ainsi un droit. L'homme doit avoir le droit de mourir dignement dans la paix. Telle est le sens de la lutte pour l'euthanasie.
Dans une acception plus contemporaine et plus restreinte, l'euthanasie est décrite comme une pratique intentionnelle visant à provoquer, particulièrement par un médecin ou sous son contrôle, le décès d'un individu atteint d'une maladie incurable qui lui inflige des souffrances morales et/ou physiques intolérables. Sa pratique relevant à la fois des domaines philosophiques, bioéthiques et légaux, son contenu exact et son acceptation sont générateurs de puissantes controverses, divisions et débats d'idées. L'euthanasie est ainsi interdite dans la plupart des pays. C'est également le cas d'une autre forme d'assistance à la fin de vie, l'aide au suicide. Cette dernière désigne le fait de fournir un environnement et des moyens nécessaires à une personne pour qu'elle se suicide, quelles qu'en soient les motivations. En effet l'euthanasie est diversement apprécier. Les religieux et les moralistes pensent que l'euthanasie est une forme de meurtre sur la personne d'autrui et elle-même contraire à l'éthique médicale qui est de soigner et non de tuer. Pour les partisans de l'euthanasie, elle permet aux patients de mourir dans la dignité, au lieu de souffrir inutilement tout en sachant qu'on ne va pas se relever de son mal. Elle évite à la famille du patient des dépenses colossales et des angoisses face à l'acharnement thérapeutique. Dans cette affaire, il est sage que la volonté du patient soit respectée et que le médecin soit disposé à l'accompagner.