Le rapport entre l'irrationnel et le rationnel

Fondamental

Pour mieux apprécier le rapport entre l'irrationnel et le rationnel, il nous semble d'abord nécessaire de faire une distinction entre la pensée raisonnable et la pensée rationnelle.

La pensée raisonnable est une pensée sage et prudente. Ainsi, un acte raisonnable est un acte juste, moralement justifiable et pas seulement un acte intelligible, explicable par la raison. La pensée raisonnable a une connotation morale, parce qu'elle implique l'intuition des valeurs et leur sélection.

La pensée rationnelle ou la rationalité entièrement d'ordre intellectuel, est au contraire la liaison logique, formellement correcte des propositions énoncées.

De ce qui précède, on comprend aisément que le vrai contraire du rationnel n'est pas le déraisonnable mais l'irrationnel. Les choses elles-mêmes sont quelquefois irrationnelles c'est-à-dire rebelles à toute intelligibilité. Sur ce point, le rationaliste le plus convaincu est contraint de se demander avec Leibniz (1646-1716) : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?[1]». Pourquoi les lois de la nature sont-elles ce qu'elles sont et pas autrement ? C'est dans ce sens que s'étonnait Einstein (1879-1955) en ces termes : « ce qui est incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible ».[2]

Si la science refuse l'irrationnel par principe, il n'en demeure pas moins vrai cependant que l'ordre du monde qu'elle prétend expliquer est régi par un fondement irrationnel. Il convient de préciser que le hasard se distingue de l'irrationnel. En effet, le hasard est ce qui tient en échec toute possibilité de prévision. Il n'indique pas que le phénomène en question échappe à toute loi scientifique, mais plutôt que ses lois sont multiples et enchevêtrées. Ce que la science nie donc, n'est pas le hasard mais la contingence qui implique l'irrationnel.