Partie critique

Méthode

Rousseau à travers ce texte, fait une apologie du désir. Le désir bien qu'il soit de nature illimitée ne saurait être une source de malheur tel que le laissait percevoir Platon en ce sens que le malheur en lui-même réside dans l'absence de désir. En effet, que vaudrait une existence sans désir pour un être qui n'est point comblé ni par sa nature et par la nature ? Face au manque dont l'homme semble être victime, il ne peut trouver que dans le désir la consolation nécessaire. Baruch Spinoza dans ce sens affirme la valeur et la positivité du désir. En effet, il considère le désir comme producteur de valeurs. Ainsi, l'homme attribue aux objets qu'il désire un certain nombre de valeurs. Aussi, le désir donne de la saveur à l'existence humaine. Tandis que Freud enracine le désir dans l'interdit donc dans le manque, Deleuze et Guattari voient au contraire dans le désir, une force affirmative, une puissance de subversion (révolution) qui ne demande qu'à investir les corps et les objets. Ces deux auteurs à travers leur œuvre l'anti Œdipe s'élève contre la conception de la psychanalyse développée par Freud à propos du désir. Pour eux, le désir stimule car il est producteur de réalité, ingénieux et industrieux. Seul le désir est en mesure de briser la routine pour inventer de nouvelles normes de vie ; seul le désir peut outrepasser les limites et dans un élan de joie, nous réconcilier avec la vie. Le désir est donc source de bien-être pour l'homme. Cependant, cela est-il toujours vrai dans d'autres circonstances ? Ne peut-il pas être aussi source de déchéance de l'homme ?

Considérer le désir comme la passerelle vers le bonheur, c'est faire fi des aspects négatifs de celui-ci. En effet, la nature illimitée du désir peut conduire l'homme qui ne peut se contenir à certaines dérives et à poser des actes regrettables. C'est ainsi que Platon dans Le Gorgias, compare l'homme qui désire à un tonneau percé qui ne peut jamais être rempli. Pour lui, il faut maîtriser le désir charnel, c'est-à-dire le désir organique (épithumia) qui siège dans la partie basse et bestiale de l'âme. Il faut se battre pour le maîtriser car : « Il ne recule devant aucune audace : ni devant l'idée de vouloir s'unir à sa mère ou à n'importe qui, homme, Divinité, bête ; de se souiller de n'importe quel meurtre, de ne s'abstenir d'aucun aliment ». Épictète pour sa part se montre plus radical et invite à se garder de tout désir. D'où la devise des stoïciens qui stipule que "Supporte et abstiens toi". Pour Épictète, l'unique souhait du désir est d'atteindre l'objet désiré. Or, si nous investissons de notre désir, des objets qui ne dépendent pas de nous, il est fort probable que nous ne parviendrons pas à les obtenir et que nous en serons malheureux. Le désir peut-être perçu comme un véritable handicap pour le bonheur. Pour cela, Arthur Schopenhauer considère le désir comme douloureux, tragique car il est essentiellement manque, par conséquent insatiable. Lorsqu'il nous arrive que tous nos désirs soient comblés, nous tombons dans l'ennui et cela nous plonge dans la nostalgie du désir, dans une souffrance et nous recherchons de nouvelles raisons sinon de nouveaux objets à désirer. Ainsi, le désir en raison de la tension et de l'inquiétude qu'il fait naître en nous, provoque en nous la souffrance. Nous ne cessons de passer du désir à l'ennui et de l'ennui au désir sans jamais accéder au bonheur. C'est pourquoi, l'attitude appropriée à adopter face au désir ne serait pas de rejeter tous les désirs mais d'être capable d'en faire le tri de sorte à éviter les désirs source de trouble. Comme le soutenait Saint Augustin le désir ou concupiscence (libido) est ce qui doit être mortifié, anéanti, éteint sous ses trois espèces : désir de jouissance, désir de savoir, désir de domination. Il est donc évident que loin de vouloir satisfaire tous les désirs ou de les fuir, l'attitude qui convient est de s'en tenir à l'essentiel car c'est dans la modération et la tempérance que l'on peut se construire un bonheur.