Les modes de connaissance d'autrui et connaissance mutuelle
Fondamental : Le moyen du raisonnement analogique
Le raisonnement analogique est l'acte qui consiste à définir un être ou une chose par rapport à soi, ou à un autre être. Une vision analogique d'autrui revient donc à le comprendre par rapport à notre manière d'être et de penser. C'est parce que moi-même je suis capable de penser, d'éprouver des sensations, de désirer, de connaître, que je supporte, que l'autre aussi est sensé éprouver les mêmes sentiments étant donné qu'il me ressemble. Malebranche (1638-1715) le précise en ces termes : « Nous connaissons les autres par conjectures (suppositions). Ce que nous sentons en nous-mêmes, nous prétendons qu'ils le sentent aussi ». Ce sont mes états de conscience qui me poussent à émettre des hypothèses sur ce qui se passe dans la conscience d'autrui. C'est par intellection (par le raisonnement analogique) que je démontre l'existence de l'autre et à savoir qui il est. Les concepts de sympathie, de la pitié et de l'amitié contredisent le solipsisme qui prétend que nous ne pouvons jamais nous mettre à la place de l'autre. J. J Rousseau (1712-1778) explique que la pitié nous pousse spontanément vers autrui et nous entraîne à nous dévouer pour son bien. St Augustin (354-430) qui pensait « qu'on ne connaît personne sinon par amitié » estime que la sympathie serait la forme privilégiée de la communication des consciences.
Soulignons que le raisonnement analogique pose tout de même problème. Elle est critiquée par Bergson qui soutient que nous projetons bien souvent nos sentiments personnels sur les autres et les prenons pour vrais. Autrui est logé dans des cadres préétablis sans une connaissance véritable. Ainsi, en face d'un visage souriant et je conclus qu'il est joyeux ou sympathique tout en oubliant que le sourire peut avoir plusieurs significations (folie, méchanceté, trahison, désastre). On finit par admettre que le problème d'autrui n'est pas tant son existence mais sa connaissance.
Fondamental : Le moyen de l'intersubjectivité
Le dialogue intersubjectif, relation que le moi entretient avec un autre moi, est aussi un moyen pour prendre conscience de l'existence de l'autre. En effet, l'existence de mon semblable, n'est pas de l'ordre d'une hypothèse car c'est par lui et pour lui que mon existence est rendue possible. A la naissance, l'homme est le fruit de deux individus (le père et la mère), qui sont des êtres conscients comme lui. Le monde étant fait par un rapport entre les consciences (communication de consciences), les actes que je pose dans le monde tels la transformation du réel sont les mêmes que posent les autres. De ce point de vue, je peux dire avec certitude que les autres existent, sans avoir besoin de le supposer. De là, Edmund Husserl (1859-1938) déduit que « ma propre existence en tant qu'homme implique une existence réciproque de l'un pour l'autre ». C'est dire que, tout homme est déjà en relation avec les autres. C'est cette coprésence (coexistence) ou cette intersubjectivité originaire qui fonde l'existence effective de chaque sujet pensant et me permet de connaître l'autre en tant que mon semblable.
A ce stade, le problème de la connaissance ou de la saisie d'autrui se pose en termes de reconnaissance. Nous avons besoin d'être reconnus dans notre être et selon nos attentes par l'autre. Au-delà de reconnaître l'existence d'autrui, de le connaître profondément, ou de nier son existence, la vraie préoccupation est de connaître la place qu'il occupe dans ma vie. Autrui est-il mon ami ou mon ennemi ?