Cours de philosophie Classe de terminale : Droit et Justice

La justice et l'égalité des personnes

  • Le problème de l'égalité

    La notion d'égalité entre les hommes est d'origine chrétienne. Elle est reprise sous forme laïcisée sous la révolution française de 1789 et dans la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948.On affirme maintenant que les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits. L'égalité des hommes dont il est question ici ne signifie pas qu'ils sont identiques les uns les autres, mais traduit le fait que devant le droit ils sont égaux. Ils doivent ainsi pouvoir jouir d'une reconnaissance de leur dignité liée à leur statut d'homme.

    En dépit des principes d'égalité de droit, nous pouvons noter que les hommes sont différents de faits et évoluent dans des inégalités sociales. Ainsi, on peut constater :

    -D'une part les différences naturelles qui découlent des données biologiques (la taille, la corpulence, le sexe...). Ces différences naturelles, on peut les considérer toutefois comme n'étant pas de véritables injustices car ce n'est pas une injustice qu'un tel soit plus grand qu'un autre. Il y a un ordre établi par la nature qui fait que ce que l'on a perdu comme qualité, on la retrouve ailleurs. Cela pour que les individus dans leurs différences puissent collaborer et se compléter. Par exemple lorsqu'on a besoin d'un service urgent, c'est à l'homme rapide que l'on fait appel, mais lorsqu'il s'agit de soulever un poids ou d'écarter un danger, c'est l'homme le plus fort qui est sollicité.

    -D'autre part des inégalités sociales ou artificielles liées au mode d'organisation de la société. Ces inégalités artificielles peuvent devenir des sources d'injustices puisque les hommes ont tendances à créer entre eux des hiérarchies et des différences fondées sur l'héritage, le diplôme, le rang social, le groupe ethnique. Les inégalités artificielles fondées sur la différence de sexe, d'âge donnent lieu à certaines injustices. En effet, les inégalités artificielles sont des injustices parce que les hommes n'ont pas les mêmes conditions de vie, ni la même fortune, ni les mêmes relations. Lors des cérémonies officielles par exemple, la hiérarchie entre les hommes est assez prononcée.

    D'une manière générale, la justice ne peut pas balayer toutes ces formes d'inégalités. C'est parce qu'elle tient compte justement de ces inégalités qu'elle devient du même coup une injustice. A tous les niveaux, lorsque les hommes courent après une certaine justice, ce sont des intérêts qu'ils poursuivent, des amours propres qu'ils veulent protéger, des honneurs qu'ils veulent maintenir. A partir de ce moment, c'est l'injustice qui prend la forme de la justice. Les hommes en voulant se rendre justice font souvent du tort aux autres. Nous pouvons dire en ce sens que la justice des hommes consiste à justifier une injustice. Toute justice fait du tort à quelque part, c'est-à-dire qu'elle crée de l'injustice ente les parties qu'on veut équilibrer. Les inégalités sociales sont donc le fruit d'un malaise dans la société. Ces inégalités sociales reconnues, en quel sens l'exigence de justice à travers l'égalité des personnes peut-elle se faire valoir ?

    La démocratie entend résoudre le problème en imposant à tous les citoyens quels qu'ils soient un même système de droit et d'obligation. Le principe démocratique ne vise pas pour autant à uniformiser les hommes ni à niveler les talents et les différences naturelles. La démocratie veut en égalisant les chances au départ permettre à chacun d'épanouir ses dons naturels. Sur ce point la conception démocratique de l'égalité va à l'encontre de celle de l'aristocratie qui considère que les hommes sont inégaux sur tous les plans. Le principe démocratique entend établir donc un ordre vraiment juste qui exclut tout privilège et toute exploitation à travers une organisation rigoureuse de la société qui mène vers une communauté de droits et de devoirs afin de corriger certaines inégalités sociales.

  • La conception traditionnelle de la Justice

    La conception aristocratique de la justice est fondée sur l'idée que les hommes ne sont pas naturellement égaux, ni physiquement, ni intellectuellement, ni moralement. Les aptitudes morales ou physiques sont variables selon les individus. Autrement dit, les hommes ont plus ou moins de valeur et cette valeur est fonction de leur aptitude naturelle et de leur éducation. Il en résulte qu'un ordre égalitaire est non seulement injuste mais aussi nuisible: injuste parce que la justice consiste à rendre à chacun ce qui lui revient de droit. Il doit donc exister une hiérarchie sociale fondée sur les différences de valeur entre les hommes. C'est pourquoi Platon soutenait que « Si les hommes ne sont pas égaux il est donc injuste de les traiter égaux ».

    Selon la philosophie de Platon, l'idéal serait un État formé de trois classes hiérarchisées où le pouvoir serait concentré dans les mains de l’Élite intellectuelle, c'est-à-dire les sages. A ses yeux, l'égalité démocratique marque le triomphe de la multitude sur l'élite. C'est alors le règne de l'incompétence au sein de l’État. C'est pourquoi Platon souligne que : « La démocratie, c'est la tyrannie de l'incompétence ». Une civilisation dans laquelle s'impose une idée égalitaire est une civilisation décadente. C'est cette conviction que Friedrich Nietzsche traduira en ces termes : « Toute élévation du type humain a toujours été et sera toujours l'œuvre d'une société aristocratique, d'une société qui croit à de multiples échelons de hiérarchies et de valeur entre les hommes et qui, sous une façon ou une autre requiert l'esclavage ».

  • La conception démocratique de la justice

    La perspective démocratique dénonce la thèse précédente. Pour les démocrates, l'aristocratie ne fait que perpétuer les inégalités sociales entre les hommes. La démocratie critique la conception aristocratique en montrant qu'en se fondant sur un prétendu ordre naturel elle ne fait que perpétuer des privilèges. Ce que l'aristocratie prend pour inégalités naturelles sont le plus souvent des inégalités artificielles, c'est -à- dire d'ordre social. En effet, les mauvaises conditions d'existence, le défaut d'argent, l'insalubrité des taudis étouffent définitivement les personnalités et empêchent les hommes de s'épanouir. La santé physique s'altère, l'intelligence privée de possibilités de culture s'étiole. La misère peut entamer le sens moral. Les classes dominantes par ce subterfuge imposent une idéologie qui joue en leur faveur. En se fondant sur un prétendu ordre naturel, les aristocrates ne font que mettre en relief les privilèges et les injustices au sein de la société. Ils cherchent à légitimer cette injustice en proclamant des inégalités de nature.

    La démocratie, quant à elle, essaie d'instaurer une organisation politique et économique où sont exclues l'exploitation et la domination. Pour cela, il convient de trouver les diverses formes d'organisation du pouvoir qui garantiront la justice et l'égalité des citoyens.

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)