Cours de philosophie Terminale : La Liberté

les conditions de possibilité de la liberté

Remarque

  • Le libre arbitre : mythe ou réalité ?

    Du latin liber libre et arbitrium jugement de l'arbitre, le libre arbitre est le pouvoir de décider. Le libre arbitre peut être défini comme la possibilité de pouvoir agir en dehors de toute contrainte intérieure et extérieure. C'est le pouvoir d'accepter ou de refuser quelque chose sans que rien ne nous incline invinciblement d'un côté ou de l'autre. Autrement dit, le libre arbitre, c'est la volonté totalement autonome dans son exercice. C'est la liberté absolue ou encore liberté métaphysique du point de vue des philosophes. Pour ses partisans, le libre arbitre ne se prouve pas mais plutôt s'éprouve. Dans cette perspective Alain (Emile Chartier, 1868-1951) soutenait qu'« une preuve de la liberté tuerait la liberté » et Henri Bergson (1891-1941) d'ajouter que « toute définition de la liberté donnera raison au déterminisme » .

    L'une des preuves que l'homme est absolument libre, c'est qu'il est capable de poser un acte gratuit, c'est-à-dire qu'il est capable d'agir en dehors de tout motif déterminant. L'acte gratuit est une action tout à fait inexplicable car sans cause réelle. C'est du reste la possibilité de poser des actes gratuits qui est l'une des frontières entre l'homme et l'animal. À ce propos André Gide (1869-1951) écrit dans Le Prométhée mal enchaîné : « j'ai longtemps pensé que c'est par là ce qui distingue l'homme des animaux : une action gratuite, un acte qui n'est motivé par rien, intérêts, passions, rien, l'acte désintéressé, né de soi, l'acte aussi sans but donc sans maître, l'acte libre » .

    Le libre arbitre absolu est donc la capacité de se décider en dépit de toutes les déterminations. L'homme aurait ainsi le pouvoir d'accomplir n'importe quelle action, même un acte tout à fait absurde.

    Pour René Descartes, nous avons dans notre expérience l'expression du libre arbitre. La liberté est une évidence que nous ne comprenons pas toujours mais que nous ressentons tous les jours. Pour lui, le libre-arbitre « consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose ou ne pas la faire c'est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir une même chose » . Ainsi, l'homme a-t-il toujours la possibilité de détourner son attention même devant la lumière de l'entendement. Selon Descartes, le cogito qui exige raisonnablement mon consentement peut être refusé au nom du libre arbitre. De même, dans la pratique, il m'est difficile de résister au bien et au vrai si je les connais, mais, dans l'absolu, ma liberté me le permet.

    Le libre arbitre soulève un certain nombre de problèmes. D'abord il est permis de douter que la volonté toute puissante dont parlent les défenseurs du libre arbitre traduise fidèlement notre vie intérieure. On peut se poser la question de savoir précisément si nous sentons véritablement en nous l'existence d'une telle volonté. Ne faudrait-il pas reconnaître que notre volonté est très souvent sujette à la faiblesse, dépendante de toute sorte de conditions morales, physiques, des habitudes etc. ? Pour Spinoza (1632-1677): « L'illusion du libre-arbitre vient de la conscience de notre action jointe à l'ignorance des causes qui nous font agir» .

    Ensuite on peut dire qu'il y a de la part des partisans du libre arbitre un immense orgueil à ériger l'homme en cause première. N'est-ce pas là le déifier ? Enfin il est permis de se demander si cette volonté à pouvoir absolu laisse encore une place au devoir. De même on ne voit pas comment la responsabilité peut avoir un sens au regard du libre arbitre.

    Pour toutes ces raisons il faut admettre que le libre arbitre est une fiction plutôt qu'une réalité. Accepter le libre arbitre c'est introduire absolument l'irrationnel dans le comportement humain. Faut-il alors dire que les actions humaines sont déterminées ? S'il en est ainsi où se trouve encore la liberté de l'homme ? Comment y remédier?

  • La liberté comme acceptation de la nécessité

    Dans la mesure où on ne peut rien faire qui ne soit déterminé, ne faut-il pas analyser cette nécessité pour nous y soumettre ? Pour les stoïciens comme Épictète (vers 50 ; 125), Sénèque (4 av. J.C. ; 65 ap. J.C), l'homme n'est qu'un élément du cosmos et ne saurait de ce simple fait échapper au déterminisme de ce cosmos. On parle de déterminisme naturel pour désigner le fait que tous les phénomènes naturels sont soumis à des lois nécessaires d'enchaînement causal. En effet, l'homme en tant qu'élément de l'univers ne représente qu'un maillon de la longue chaîne des choses. Par conséquent, il ne peut éviter d'être déterminé. Pour les stoïciens donc la liberté consiste à « vivre en accord avec la nature ». La liberté du stoïcien est une prise de conscience du déterminisme. C'est la raison pour laquelle le sage stoïcien n'est libre que dans la mesure où il comprend la nécessité et qu'il l'assume. En ce sens selon les stoïciens, celui qui comprend la fatalité est conduit par elle, celui qui veut y résister au contraire est entraîné. Pour Sénèque : « fata volentem ducunt, nolentem trahunt » ce qui signifie : les destins conduisent celui qui veut, ils traînent celui qui ne veut pas. Il faut donc si nous voulons la liberté conformer notre conduite à l'ordre du monde.

    Dans la même perspective Spinoza (1632-1677) pense qu'il y a une servitude originelle de la condition humaine. Nous sommes des êtres dépendants de la nature et pour atteindre la liberté, il nous faut accepter cette nature telle qu'elle est. Selon Spinoza, l'homme n'est pas « un empire dans un empire ». Pour cela il suffit de comprendre que ce qui arrive est nécessaire et de faire ainsi coïncider notre intelligence avec cette nécessité. Par exemple, la mort est une fatalité et ne pas vouloir mourir, c'est être dans une angoisse inutile, puisque dans tous les cas elle surviendra. Or pour Spinoza, l'homme angoissé, l'homme inquiet, n'est pas un homme libre. Par contre, si nous comprenons qu'il s'agit d'une loi de la nature et que nous l'assumons, nous n'en serons plus traumatisés et nous devenons par là-même libres.

    Quelle appréciation peut-on faire des conceptions stoïcienne et spinoziste de la liberté ? Cette position sur le problème de la liberté se réduit à une résignation, à une capitulation, face à l'ensemble des facteurs qui peuvent entraver notre action. Loin de rendre l'homme libre, elle mène à la fatalité et en dernière analyse à l'inaction. C'est pourquoi Friedrich Nietzsche (1844-1900) fait remarquer « le stoïcien s'exerce à avaler cailloux et verres, tessons, scorpions, à ignorer le dégoût ; il faut que son estomac finisse par être indifférent à tout ce que le hasard de l'existence peut y verser. »

  • La liberté comme respect des lois

    L'homme est un animal social, or la société perçoit la liberté comme la capacité de faire ce qui nous plaît. Lorsque chacun fait ce qu'il lui plaît dit Rousseau (1712 ; 1778) « on finit par faire ce qui déplaît à d'autres, cela ne s'appelle pas un État libre » . Rousseau évoque une société régie par des lois, une législation adéquate. Au sein de cette société, il n'y a point de liberté en dehors de la loi, œuvre de la volonté générale. Nul n'est donc au-dessus de cette loi. Pour Rousseau, la liberté est forcément liée à la loi. Ainsi, la liberté dans un État consiste-t-elle à accepter et à se conformer aux règles émises par la société, de telle sorte que l'on puisse s'épanouir avec elles. C'est pourquoi Rousseau affirmait : « l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté » .

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