Cours de Philosophie Tle A : Logique et Mathématiques

Valeur de la Logique et des Mathématiques

Fondamental

L'intérêt de la Logique et des Mathématiques

La scientificité des disciplines se mesure en fonction de leur niveau de mathématisation. En effet, les théorèmes mathématiques ont ceci de remarquable que leur démonstration une fois établie équivaut nécessairement. En plus d'apporter aux autres sciences les nombres et les figures, les mathématiques apportent surtout le raisonnement déductif, ce qui permet aux théories scientifiques d'être plus précises et rigoureuses. Dès lors, les mathématiques se présentent comme un idéal de vérité au point où Aristote précise : « Ce que nous appelons ici, savoir, c'est connaître par le moyen de la démonstration. » Autrement dit, il considère le savoir comme tout ce qui est élaboré sur le modèle mathématique.

L'alliance entre les mathématiques et la physique a occasionné au XVII e siècle une véritable révolution. Grâce aux mathématiques, le physicien parvient à quantifier, à mesurer, à évaluer ses résultats . On peut donc reconnaître avec Galilée que les mathématiques sont essentielles pour la compréhension de l'univers car écrit-il « le grand livre de l'univers est écrit en langage mathématique. » Par ailleurs, il est impérieux de souligner que la philosophie a pour exigence préalable la maîtrise des mathématiques. En effet, les mathématiques ont cette vertu d'apprendre aux hommes que la vérité ne s'obtient pas par les sens mais par la raison. Elles nous permettent de tourner notre âme vers les idées et de nous libérer ainsi des illusions du monde sensible. C'est la raison pour laquelle, Platon avait pris le soin d'inscrire au fronton de l'Académie : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre. » Dans cette même logique, Isocrate nous révèle que « les mathématiques sont une gymnastique de l'esprit et une préparation à la philosophie. »

Comment pourrions-nous occulter l'utilité pratique des mathématiques qui permettent de résoudre des problèmes pratiques relatifs au partage, aux échanges, à l'urbanisation... De même, les techniques modernes telles que la construction des édifices et des infrastructures, la navigation maritime et aérienne, les prévisions météorologiques reposent fondamentalement sur les mathématiques. En somme, on peut donc dire que les mathématiques ont toujours fasciné, car elles permettent d'ordonner les pensées, de construire la connaissance de manière solide et systématique. C'est cette omniprésence des mathématiques qui a conduit le philosophe sénégalais Souleymane Bachir DIAGNE à affirmer : « Il y a aujourd'hui une emprise des mathématiques dans tous les domaines du savoir et à travers elle une emprise de la logique mathématique dans toutes les branches des activités humaines. »

Quant à la logique, elle nous permet d'accéder à la science en ce sens, où elle étudie le mode de raisonnement de la pensée qui génère la science. C'est pourquoi Aristote considère la logique comme étant l'outil indispensable, l'instrument préalable et nécessaire à toute science. Elle nous apprend à nous servir correctement de la raison et à tenir des discours cohérents. Elle possède ainsi un caractère pratique dans les domaines psychologique, grammatical, scientifique, littéraire car permettant d'analyser, de démontrer et de transmettre la vérité. Henri Poincaré nous rappelle que « c'est avec la logique que nous prouvons. » Bien que les mathématiques et la logique soient perçues comme exactes et incontournables, ne présentent-elles pas des limites ?

Fondamental

Les limites de la Logique et des Mathématiques

Si les mathématiques et la logique apparaissent aujourd'hui comme un modèle de savoir devant inspirer toutes les recherches et les initiatives humaines, il n'en demeure pas moins qu'elles comportent des limites. En effet, les mathématiques et la logique comme science de démonstration rigoureuse ont paradoxalement pour point de départ des propositions non démontrées.

L'axiome ou le postulat n'est vrai qu'à l'intérieur d'un système donné. Dans cette logique Henri Poincaré précise que « une géométrie ne peut pas être vraie qu'une autre : elle peut seulement être plus commode. » L'exemple le plus éloquent est l'effondrement du cinquième postulat d'Euclide qui stipule que « par un point pris hors d'une droite, on ne peut mener qu'une parallèle à cette droite. » A défaut d'être démontrable, ce postulat semblait évident. Pourtant, au cours de la première moitié du XIX è siècle, deux mathématiciens, l'allemand Riemann et le russe Lobatchevski vont remettre en cause ce postulat. Riemann le remplace par le postulat suivant : par un point pris hors d'une droite, on ne peut mener aucune droite parallèle à cette droite et Lobatchevski de stipuler que : par un point pris hors d'une droite, on peut mener une infinité de parallèles à cette droite. A leur grande surprise, cela conduisait à engendrer des systèmes géométriques nouveaux jusque-là inconnus. On assistait à une véritable révolution mathématique. Quelles conséquences peut-on tirer de ces exemples ? D'abord, il n'existe pas comme on le croyait jusqu'alors une seule géométrie possible, mais plusieurs. En plus le cinquième postulat d'Euclide perdait son statut de vérité d'évidence car les postulats de Riemann et Lobatchevski qui en apparence étaient non évidents et même absurdes étaient en réalité féconds et opérationnels. Dès lors, les mathématiciens reconnurent que les propositions de départ d'un système mathématique n'avaient pas besoin d'être évidentes, il suffisait qu'elles soient fécondes.

En sus, les sciences humaines posent une limite évidente aux mathématiques du fait qu'elles sont incapables de traduire, quantifier, mesurer, démonter certaines réalités existentielles comme l'âme, les pensées, les sentiments... Dans les Premiers principes de métaphysique et des sciences de la nature, Emmanuel Kant évoque le cas particulier de la psychologie. Elle s'intéresse à des faits psychiques et individuels qui ne cessent de se modifier, ils sont dynamiques et continus. Dès lors, ils échappent à toute connaissance mathématique ou objective.

Quel que soit l'intérêt de la logique, elle n'est pas une garantie de vérité même si toute vérité a une logique. La logique décrit seulement la construction de notre raisonnement et non la réalité. Le syllogisme est un modèle de rigueur qui instruit et qui forme l'esprit certes mais elle est limitée par son abstraction et son aspect théorique. C'est ce qui pousse John Stuart Mill à qualifier le syllogisme de « solennelle futilité. »

L'une des limites de la logique est son incapacité à démontrer les axiomes et les règles de la logique ne proviennent pas de la logique, mais sont juste des accords et des hypothèses données pour vraies. Isaac Asimov (1920-1992) prévient parlant de la logique que « le malheur c'est qu'on peut prouver n'importe quoi en s'appuyant sur la logique rigoureuse de la raison... à condition de choisir les postulats appropriés. » En outre, la rigueur et la cohérence de la logique ne servent pas toujours les causes de la vérité, elles peuvent servir la contre-vérité ou le mensonge. Le syllogisme par exemple peut-être détourné pour constituer de faux raisonnements : le sophisme, le paralogisme...

PrécédentPrécédentSuivantSuivant
AccueilAccueilImprimerImprimerRéalisé avec Scenari (nouvelle fenêtre)